Les programmes de fidélité doivent-ils se muer en programmes de communauté ?
par Sébastien Neveu, 15 avril 2024 , mis à jour le 22 octobre 2024
Le problème avec la plupart des programmes de fidélité, c’est qu’ils ne génèrent pas de fidélité.
La preuve ? Plus de 60% des clients encartés possèdent aussi la carte de l’enseigne concurrente.
Pour les clients, les programmes ont une valeur purement transactionnelle. Ils cagnottent des points, reçoivent des avantages en contrepartie. Mais cette « mécanique de fidélisation » échoue à créer un lien affectif entre le client et l’enseigne et une vraie préférence de marque.
Les consommateurs profitent des avantages, mais ne développent pas d’affinité avec la marque.
Certaines marques ont bien compris que les récompenses transactionnelles ne suffisaient pas. Pour développer une affinité, les consommateurs ont besoin qu’on leur offre un sentiment de communauté.
Alors, prêt.e.s à transformer vos programmes de fidélité en programmes de communauté ?
Pourquoi les programmes de fidélité traditionnels sont-ils en perte de vitesse ?
Les consommateurs adhèrent à des programmes de fidélité. Et pourtant, ils sont 93 % à ne pas s’estimer convaincus par les avantages offerts en contrepartie.
Cette faible valeur perçue s’explique par le manque d’innovation de la plupart des programmes. Puisqu’ils reposent presque exclusivement sur des contreparties transactionnelles, les programmes ne suscitent guère d’enthousiasme. Aux yeux des consommateurs, ils se ressemblent tous. Ils y adhèrent par commodité, mais sans grande conviction.
Dans certains cas, les avantages ou les conditions d’obtention des contreparties sont difficiles à comprendre. Les programmes, en France, restent statiques et standards. Les avantages sont rarement personnalisés.
Bref, les consommateurs voient dans les programmes une tactique pour « acheter » leur fidélité. On est très loin de la création d’une connexion forte et durable à l’enseigne, qui est pourtant la définition de la fidélité.
Le futur de la fidélité : des récompenses transactionnelles à la création de communautés ?
Dans l’économie moderne, ce sont les clients qui ont le contrôle. Ils décident s’ils ont envie d’être en contact avec une marque. Ils décident s’ils ont envie d’être fidèles. Les marques peuvent proposer, mais les clients identifient vite quand une marque cherche à les rendre captifs.
Or, les consommateurs comprennent que les programmes de fidélité conventionnels reposent sur une mécanique de captation. Les enseignes proposent des avantages qui incitent le client à revenir. Elles espèrent que les récompenses induiront le réflexe de venir consommer à nouveau auprès de l’enseigne.
Mais que vaut le poids de la récompense quand toutes les enseignes offrent des programmes similaires ? Faut-il donner dans la surenchère avec des contreparties toujours plus conséquentes pour se distinguer ?
Le pari serait risqué, compte tenu des coûts des programmes de fidélité. En outre, davantage de récompenses transactionnelles se traduiraient-elles par un véritable accroissement de la fidélité à l’enseigne ?
La vraie question n’est-elle pas plutôt : « qu’attendent réellement les consommateurs d’un programme de fidélité ? ». Au-delà des points et des avantages, quels sont les moteurs de la fidélisation ?
La fidélité client résulte de la satisfaction, bien sûr, qui est elle-même le fruit d’une expérience client non seulement fluide (réduction des frictions dans le parcours client) mais aussi mémorable. Les émotions positives associées à une marque, à une enseigne, créent de l’attachement et de la fidélité.
C’est pourquoi, au lieu de miser sur des mécanismes de récompense pour des transactions répétées, les programmes de fidélité peuvent évoluer vers une logique de communauté, dont les membres partagent des passions, des problématiques et des valeurs communes.
Par exemple, le programme XPLR Pass de The North Face repose sur la passion commune de ses membres pour l’exploration. La marque de vêtement sportif Lululemon a mis en place un programme spécifique pour une communauté de professionnels de la forme qui partagent les mêmes enjeux.
Pourquoi la communauté booste-t-elle à la fidélisation ?
La fidélisation (ou la préférence de marque) ne repose pas uniquement sur la valeur matérielle que vous apportez aux clients. Offrir les meilleurs produits ou services ne suffit pas à créer une connexion durable.
Les marques fortes s’appuient en outre sur deux autres piliers :
- La valeur émotionnelle : la capacité de la marque à créer des émotions positives et à générer de l’attachement
- La valeur symbolique : la création d’un sentiment d’appartenance
Aujourd’hui, les clients aspirent à faire partie d’un club. Il ne s’agit plus de susciter de l’admiration à travers sa consommation (consommation ostentatoire) mais d’investir sur soi-même (accès exclusif, appartenance, partage de connaissances et de valeurs, expériences spécifiques, …).
L’accès à une communauté renforce l’identité et le sentiment d’appartenance. Les membres d’une communauté développent un lien émotionnel plus fort avec la marque. Le sentiment d’appartenance à un groupe augmente leur loyauté. Ils se sentent tenus par des valeurs et des expériences partagées qui transcendent la relation transactionnelle entre marque et consommateur.
Au sein d'une communauté, les membres partagent des conseils, des avis et des informations sur des sujets qui les relient et gravitent autour de l’univers de la marque. Les communautés offrent un espace où les membres peuvent interagir, partager des expériences et obtenir du soutien mutuel. Lorsque les clients se sentent soutenus par d'autres membres de la communauté, ils sont plus enclins à rester fidèles à la marque qui a facilité cette connexion. La communication de la marque n’est plus seulement descendante. Elle devient horizontale. La marque agit comme un facilitateur et un créateur de liens.
Les membres d’une communauté se sentent valorisés, écoutés, reconnus par la marque. La marque montre qu’elle se soucie des clients à un autre niveau que celui des transactions. Ce souci des clients renforce les liens émotionnels, la confiance et la fidélité.
Comment créer et animer des programmes de fidélité communautaires ?
Identifier des segments de clientèle à fort potentiel
Le passage de la fidélisation transactionnelle à la fidélisation communautaire n’est pas évident. Vous ne pouvez pas, d’un coup de baguette magique, engager tous vos clients encartés dans une même communauté.
Une communauté se définit par ce qui relie ses membres. Plus sa composition est hétérogène, moins elle devient désirable ou audible.
Créer des communautés, c’est d’abord se concentrer sur des segments spécifiques et homogènes en termes d’attentes, de valeurs, d’expériences. C’est la logique qu’a adoptée Lululemon en créant un programme communautaire pour un segment clé tout en conservant un programme grand public.
En priorité, vous devez identifier la ou les communauté(s) de clients pour lesquels vous avez envie et intérêt à offrir une expérience distinctive. Par exemple, IKEA a lancé récemment une ligne de meubles conçue spécifiquement pour sa communauté de gamers.
L’intérêt d’une communauté, c’est justement d’offrir à ses membres une expérience VIP. Vous pouvez y inclure des avantages uniques, un accès anticipé à des produits ou services et un contenu spécialisé qui renforce le sentiment d'exclusivité.
Connecter les membres de la communauté
La communauté correspond aussi à l’ère du « consommateur social ». Les consommateurs se méfient des discours marketing portés par les marques. En revanche, ils valorisent les avis de leurs pairs, comme en témoigne l’importance des avis clients.
Dans une communauté, la marque propose des occasions d’échanges et de rencontres entre pairs. Elle accepte que les membres soient aussi force de proposition et force motrice de la communauté. Ils participent à l’agenda, choisissent de quoi et comment ils veulent discuter. La marque agit comme un facilitateur mais elle n’impose pas.
Les rencontres peuvent être virtuelles, sur des plateformes numériques. Elles peuvent aussi être physiques, lors d’événements spécialement conçus pour la communauté. Dans les deux cas, le rôle de la marque consiste à encourager l'interaction entre les membres, les discussions et le partage d'expériences. Cette interconnexion renforce le tissu communautaire au-delà des frontières traditionnelles d'un programme de fidélité
Maintenir l’attachement avec des interactions régulières
Une fois que vous avez lancé un programme communautaire, l’une des difficultés est de la faire vivre sur la durée. Comment faire en sorte que les liens ne se distendent pas ? Comment continuer à apporter de la valeur aux membres ?
Pour maintenir l’attachement, il est souvent préférable d’offrir fréquemment des petits gains répétés. Animer une communauté revient à créer des rendez-vous, des points de contact réguliers entre la marque et les membres.
Outre les événements communautaires, vous pouvez aussi miser sur des défis. Il s’agit de créer des moments partagés entre les membres, qui contribuent à la connexion émotionnelle entre la marque et sa communauté.
Le user-generated content (UGC) est aussi un autre levier dans la construction et l’animation des communautés. Les membres qui publient des retours d’expérience ou des avis deviennent des ambassadeurs de la marque et des piliers de la communauté. En les valorisant, les entreprises peuvent amplifier l’engagement dans la communauté.
Améliorer les performances de la communauté en continu
La construction d’une communauté est une tâche de longue haleine. Il faut non seulement entretenir la communauté mais aussi mettre en place des mécanismes d’optimisation continue.
Cela passe par des indicateurs de performance pour mesurer l’engagement des membres et leur niveau de fidélité. Mais la performance d’une communauté relève aussi du ressenti des membres. Vous pouvez mesurer ce ressenti à travers des dispositifs d’écoute client liés à la communauté.
L’un des avantages de la communauté, c’est justement qu’elle génère du feedback immédiat et permanent. En effet, les membres ne sont pas passifs, ils sont aussi associés aux choix et sont force de proposition. C’est donc collectivement aussi que la communauté s’enrichit.
Conclusion
Plusieurs signaux indiquent que les programmes de fidélité traditionnels sont à bout de souffle. Les avantages transactionnels associés ne suffisent pas à créer une véritable fidélité des clients.
Les clients recherchent des expériences enrichissantes et un sentiment d’appartenance dans une optique d’accomplissement de soi. C’est dans ce contexte que les programmes de communauté émergent comme une solution prometteuse.
En transformant les programmes de fidélité en programmes de communauté, les entreprises peuvent créer des liens émotionnels plus forts avec leurs clients. Au-delà des récompenses transactionnelles, les communautés offrent un espace où les membres partagent des passions, des intérêts et des valeurs communes, renforçant ainsi leur attachement à la marque.
Il faut toutefois rester vigilant sur l’expansion de ses communautés. Le risque de dilution est réel si les communautés grandissent trop vite. La gestion de communautés implique un équilibre délicat entre inclusivité et exclusivité. Par ailleurs, l’animation des communautés doit aussi être subtile : proposer régulièrement sans trop imposer, rester centré sur les attentes et valeurs communes sans tourner en boucle, …
Là encore, c’est l’écoute active de vos membres et la détection des signaux faibles qui doivent vous indiquer comment faire évoluer la communauté dans la bonne direction.
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